15. Frais de livraison du client à lui-même [les banques, 2/∞]

Publié le 20 août 2014 par Pouhiou et Gee

Cet épisode est un épisode Bonus réalisé grâce à vos dons ! Merci à Mooshka, Mathias, Luc et Guilhem pour leur générosité. Et merci à Bambou 3113 pour l’idée ayant initié cet épisode.

Que l’on ne se méprenne pas sur le cours précédent… Donner à la banque un visage humain n’est qu’un effet de manches. Il ne s’agit nullement d’y ajouter les bras, le corps, le cœur et de se mettre à avoir le portefeuille sur la main. Néanmoins, si un établissement financier parvient à passer – pour vos yeux de consommateur – pour un proche, rien n’oblige à ce que ce soit un proche que vous appréciez… Pensez à votre famille : des gens redoutablement humains, dont la compagnie vous manque jusqu’à ce que le prochain mariage vous rappelle pourquoi vous ne vous voyez pas plus souvent.

Ainsi, si vous proposez aux banques d’affubler à chacun de ses clients un commercial garde-chiourmes conseiller financier, cette personne doit être formée à diverses matières. La maîtrise de la novlangue obscurantiste lui permettra d’asseoir son autorité morale en impressionnant le badaud de son galimatias financier. Une présentation impeccable associée aux techniques de psycho-neuro-linguistique lui attribuera la condescendance nécessaire pour remettre le client à sa place. Ce paternalisme pontifiant persuadera le petit peuple de la prépondérance des produits proposés.

Vous venez de voir un de nos meilleurs conseillers passant sa validation d’acquis dans nos locaux. En tant que connards, il est de notre devoir de canaliser l’argent des établissements bancaires venant nous voir en leur surfacturant nos consultations, trainings et autres services personnalisés. Vous vous doutez bien que pour arriver à un tel résultat, nos méthodes pour former leurs employés sont révolutionnaires. Nous n’hésitons pas à engager les sparring-partners les plus aptes à transformer de doux commerciaux en de redoutables patriarches aussi autoritaristes que compassés.

L’intérêt de donner aux banques un visage humain a été brillamment exposé dans le cours précédent. L’avantage de rendre ce visage aussi antipathique que celui de votre oncle raciste et homophobe, c’est que le client sera prêt à tous les sacrifices pour ne pas aller voir de lui-même son banquier. Quitte à payer pour pouvoir faire le travail de son conseiller financier à sa place, réduisant d’autant la masse salariale qui pèse sur les établissements bancaires.

La liberté n’a pas de prix, mais que cela ne vous empêche pas d’essayer de la facturer. Tout comme l’option « compte en ligne » (qui est débitée au client soit directement, soit par la mise en place d’un forfait de services), l’appel pour prendre rendez-vous avec son conseiller doit être surtaxé. Ainsi, votre conseiller pourra le convoquer à la banque selon son bon vouloir. Mais cela ne peut être à double sens : si le client veut venir de lui-même, il faut lui compliquer la tache au maximum et ainsi lui faire comprendre la faible importance de ses désirs et velléités.

Éduquer le client est un travail de chaque instant, et la pédagogie se cache dans les détails. Plus son conseiller lui sera anxiogène, plus le fait de travailler à sa place sera pris comme une libération. Une libération qu’on peut lui faire payer au prix fort. Bien entendu, son option « banque en ligne » lui permettra de ne gérer que les basses besognes, afin qu’il n’ait pas de réelle emprise sur la gestions de ses comptes… On ne veut pas qu’il commence à se croire responsable de son argent ni qu’il ait un faux sentiment de maîtrise. Les rendez-vous en tête à tête seront donc toujours essentiels pour les banques, ne serait-ce que pour remettre le client à sa juste place : celle du docile bovin lactifère.

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