08. Le monopole du côlon (2/3)

Publié le 23 avril 2014 par Pouhiou et Gee

Nombres de vos bastardises tournent autour d’un simple objet du quotidien. Nous avons donc décidé de lui accorder un triptyque. Pour cette deuxième partie, nos remerciements vont à Gee (hé oui !) Omar Jeulin et Framasky qui nous ont envoyé des bastardises inspirées, malgré un sujet de m…

NB : C’est le 1er épisode Bonus de Bastards, Inc. Grace à vos dons, ce mercredi n’est pas un mercredi de repos mais bien celui de la sortie d’un épisode. Un énorme merci à Goofy, Florian, Emmanuel, Guilhem, Mooshka, Florian mais pas le même, Pierre Emmanuel et re-Guilhem de leur soutien !

Le rêve de tout connard qui se respecte se réalisait pour moi. Le monopole de Proctos & Logos sur le papier hygiénique français offrait l’ensemble de vos anii à ma merci. La possibilité de reconcevoir complètement notre rapport au nettoyage intime. J’ai donc décidé de poser les fondations de ma chapelle sixtine sur les bases du travail de l’ingêneur : le syndrome de l’huître. En recalibrant les machines pour qu’elles encollent la première feuille du rouleau bien jusqu’au bout, je vous ai offert ces moments-là :

Revenir aux fondements de la sorte me semblait pourtant un poil convenu. Une certaine lacune se faisait sentir : la démarche manquait de profondeur… Je décidai donc de m’enfoncer dans le sujet afin de trouver la façon la plus pénétrante d’encoller mes rouleaux. Quand un connard pro se tâte ainsi, quand il va chercher l’inspiration au fond de ses entrailles, il en ressort toujours l’expression de son génie. Le mien s’est concentré sur un liquide poisseux et blanc : la colle.

Outre le plaisir jubilatoire d’imaginer la France se torchant sur la réunion porest-mortem de Fluttershy le poney et Flipper le dauphin, je tenais enfin mon idée profonde et pénétrante : coller irrémédiablement les premières couches de feuilles. Nous obtenons ainsi un syndrome de l’huître cyclique. La nouvelle colle imprégnant les épaisseurs, elle crée ce que nous avons appelé un effet « Rhaaa-Groumph-Yeah » qui se répète sur deux ou trois tours de rouleau.

À elle seule, cette douche écossaise émotionnelle vous permet de créer une relation amour-haine avec le produit, et vous le rend ainsi aussi proche de vous que votre famille réunie autour du repas dominical. Nos test d’UX étaient brillants : d’un simple consommable que l’on souhaitait vite oublier, le papier toilette prenait, pour nos sujets de test, du caractère… une vraie personnalité.

Bien entendu, l’effet « Rhaaa-Groumph-Yeah » et sa composante de gâchis fonctionnent en partie sur la position monopolistique de mon client. Ayant l’hégémonie sur le papier toilette, il m’est possible d’imposer ce syndrome de l’huître cyclique comme une nouvelle norme, une fatalité qui se répand dans toutes les marques, tous les modèles. C’est surtout un changement de paradigme dans la consommation que l’on amorce. Le client est piégé dans un faux choix, que nous lui imposons.

Ce choix, c’est l’ensemble des marques, couleurs, senteurs, dessins, douceurs, épaisseurs et prix que nous proposons. Bien entendu, tous les produits sortent de la même usine, finissent dans les mêmes égouts et remplissent les mêmes poches. Mais, entre temps, ils vous ont permis d’exister. D’être cet hôte au papier triple épaisseur mentholé orné de papillons violets… Les opérateurs téléphoniques ont mis bien longtemps à le comprendre : on ne crée pas d’options, on crée des gammes.

Pourquoi votre banque vous facture-t-elle un pack mensuel ? Car elle sait bien, grâce à mon travail chez Proctos & Logos, que si vous choisissiez à la carte, vous pèseriez chaque option et payeriez moins cher. Il vous faut un produit qui ne vous convient pas exactement. Créer des gammes, des forfaits ou des packs… C’est le meilleur moyen de s’assurer que vous consommiez plus que ce dont vous avez réellement besoin ; tout en restant assez insatisfait pour vouloir mieux, pour dépenser plus la prochaine fois.

Ce piège, même les plus grands y tombent…

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